Rupture spontanée du long biceps (signe de Popeye)

L’auteur de l’article

Docteur Mikaël CHELLI

Chirurgien orthopédiste, avec une hyperspécialisation en chirurgie de l’épaule et du coude

La rupture spontanée du long biceps est une pathologie bénigne et fréquente, notamment chez les personnes de plus de 50 ans. Dans la majorité des cas, elle guérit spontanément sans chirurgie, au prix d’un petit déficit esthétique.

Cependant, une consultation chez un chirurgien orthopédiste permet de confirmer le diagnostic et d’adapter le traitement, notamment en cas de douleur persistante ou de gêne fonctionnelle.

1. Anatomie du biceps brachial

Le muscle biceps brachial est situé à la face antérieure du bras. Il est constitué de deux parties appelées "chefs" :

  • Le chef court, qui s’insère sur l’apophyse coracoïde de la scapula (l’omoplate).

  • Le chef long, qui traverse l’articulation de l’épaule et s’attache à la partie supérieure de la cavité glénoïde (le bourrelet glénoïdien).

Le tendon du chef long du biceps (ou "long biceps") est particulièrement sollicité dans les mouvements de levée du bras, de rotation et dans certaines activités sportives ou de force. Il passe dans un canal osseux (la gouttière bicipitale) à l’avant de l’humérus, ce qui en fait une zone à risque de frottement et d’usure.

2. Circonstances de survenue de la rupture

La rupture du long biceps est généralement spontanée et se produit le plus souvent chez des personnes de plus de 50 ans, souvent sur un tendon dégénératif. Elle peut survenir :

  • Lors d’un effort soudain (port de charge, traction brutale).

  • Après une douleur chronique à l’épaule (tendinopathie ou conflit sous-acromial).

  • Parfois sans effort particulier, lors d’un geste banal du quotidien.

Elle est fréquente chez les patients souffrant d’une pathologie de la coiffe des rotateurs.

3. Signes cliniques

Symptômes typiques :

  • Douleur vive au moment de la rupture, souvent ressentie comme une “déchirure”.

  • Apparition rapide d’un hématome au niveau du bras, qui peut s’étendre vers le coude.

  • Perception d’une boule musculaire sous la peau, correspondant au muscle rétracté : c’est le fameux “signe de Popeye”.

  • Faiblesse ressentie dans certaines activités (rotation de l’avant-bras, vissage/dévissage).

À noter :

La flexion du coude est souvent conservée grâce au chef court du biceps et au muscle brachial.

4. Évolution naturelle

La rupture du long biceps évolue généralement favorablement sans traitement chirurgical. Les douleurs s’estompent en 2 à 3 semaines, avec récupération de la mobilité.

L’hématome se résorbe progressivement, et une compensation musculaire permet souvent une récupération fonctionnelle satisfaisante, notamment chez les patients sédentaires ou modérément actifs.

5. Traitement habituel : pas de réparation chirurgicale

Dans la grande majorité des cas, aucune réparation du tendon rompu n’est nécessaire. Le traitement repose sur :

  • Le repos relatif du bras.

  • Des antalgiques ou anti-inflammatoires si besoin.

  • Une kinésithérapie pour maintenir la mobilité et renforcer les muscles voisins.

La chirurgie peut être envisagée dans certains cas particuliers (gêne esthétique importante ou demande fonctionnelle élevée).

6. Différence avec la rupture du biceps distal au coude

Il est essentiel de ne pas confondre cette rupture du long biceps avec une rupture du biceps distal (au niveau du coude), beaucoup plus rare mais plus invalidante.

Cette dernière entraîne une perte de force importante dans la flexion du coude et la supination (rotation de l’avant-bras), et nécessite presque toujours une réparation chirurgicale rapide pour un bon résultat.

7. Apports des chirurgiens français

Dès les années 1990, les Dr Gilles Walch et Pr Pascal Boileau ont montré qu'une simple ténotomie du long biceps (section chirurgicale volontaire) pouvait soulager les douleurs d’épaule liées à des pathologies de la coiffe des rotateurs, notamment en cas de conflit dans la gouttière bicipitale.

Cette intervention est simple, rapide, avec peu de complications, mais elle entraîne parfois une déformation de type "Popeye".

8. Ténodèse du long biceps : solution esthétique

Pour éviter l’effet esthétique disgracieux du "signe de Popeye" après une ténotomie ou une rupture spontanée, il est possible de réaliser une ténodèse : le tendon du biceps est fixé plus bas dans l’humérus.

Cette intervention est surtout proposée :

  • Chez les patients jeunes ou sportifs.

  • Chez ceux ayant une gêne esthétique ou une activité de force importante.

La ténodèse permet de conserver la continuité musculaire tout en supprimant les douleurs.

9. Quand faut-il faire des examens complémentaires ?

Dans la majorité des cas, aucun examen n’est nécessaire si le diagnostic est évident cliniquement (douleur brutale, hématome, déformation).

Mais des examens peuvent être indiqués dans certaines situations :

  • Doute diagnostique (rupture partielle ? rupture distale ?).

  • Patient jeune

  • Douleur persistante.

  • Recherche de lésions associées (coiffe des rotateurs).

Les examens utiles sont :

  • Radiographie

  • Échographie : rapide, peu coûteuse, elle visualise bien le tendon rompu.

  • IRM : plus précise, surtout en cas de suspicion de pathologie de la coiffe des rotateurs associée.

Conclusion

La rupture spontanée du long biceps est une pathologie bénigne et fréquente, notamment chez les personnes de plus de 50 ans. Dans la majorité des cas, elle guérit spontanément sans chirurgie, au prix d’un petit déficit esthétique.

Cependant, une consultation chez un chirurgien orthopédiste permet de confirmer le diagnostic et d’adapter le traitement, notamment en cas de douleur persistante ou de gêne fonctionnelle.

Docteur Chelli

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