Injections de Cortisone à l’Épaule

L’auteur de l’article

Docteur Mikaël CHELLI

Chirurgien orthopédiste, avec une hyperspécialisation en chirurgie de l’épaule et du coude

Les infiltrations de cortisone sont depuis longtemps utilisées en orthopédie, notamment pour soulager la douleur et réduire l'inflammation dans diverses pathologies musculo-squelettiques. Dans le contexte des troubles de la coiffe des rotateurs, ces injections interviennent comme un complément essentiel à la rééducation physique. Bien qu’elles ne guérissent pas la pathologie sous-jacente, elles permettent de réduire la douleur, facilitant ainsi l’engagement du patient dans un programme de réadaptation efficace. Ces infiltrations, administrées par un spécialiste dans des conditions strictes d’asepsie, font l’objet de débats quant à leur fréquence, leur innocuité et les effets secondaires potentiels.

Dans cet article, nous explorerons en détail :

  • Le mode d’action de la cortisone au niveau cellulaire et tissulaire.

  • Les indications qui justifient son recours dans les pathologies de la coiffe des rotateurs.

  • Les contre-indications et les risques associés, notamment en cas de diabète.

  • Les recommandations pratiques concernant la fréquence des injections et les précautions d’usage.

En s’appuyant sur des études récentes et des articles de référence, nous souhaitons éclairer patients et professionnels de santé sur l’utilisation raisonnée et sécuritaire de cette modalité thérapeutique.

1. Mode d’Action de la Cortisone

1.1 Principe Pharmacologique

La cortisone est un glucocorticoïde qui agit principalement par ses puissantes propriétés anti-inflammatoires. Elle agit au niveau cellulaire en modulant l’expression de gènes impliqués dans la production de cytokines et autres médiateurs de l’inflammation. Plus spécifiquement, la cortisone inhibe la synthèse des prostaglandines et de leucotriènes, substances chimiques centrales dans le processus inflammatoire.

À l’injection locale, la cortisone diminue l’œdème, réduit la vasodilatation et limite la migration des leucocytes vers le site inflammatoire. Cette diminution de la réponse inflammatoire se traduit par une baisse des symptômes douloureux et souvent une amélioration concomittante de la mobilité de l'articulation concernée. L’effet anti-inflammatoire permet ainsi de réduire temporairement la douleur, facilitant la mise en route d’un programme de rééducation adapté.

1.2 Impact sur la Rééducation

Il est essentiel de rappeler que, bien que la cortisone réduise l'inflammation et la douleur, elle ne traite pas la cause anatomique ou dégénérative de la pathologie. Son rôle principal est d’instaurer un environnement favorable à la rééducation. En diminuant la symptomatologie douloureuse, la cortisone permet au patient de participer de manière plus dynamique aux séances de kinésithérapie, favorisant ainsi la récupération fonctionnelle.

L’aspect temporaire de l’effet anti-inflammatoire souligne l’importance d’un traitement global qui intègre la restauration de la mobilité, la force musculaire, et l’équilibre articulaire.

2. Indications des Infiltrations de Cortisone

2.1 Pathologies Concernées

Les infiltrations de cortisone sont indiquées dans plusieurs situations cliniques en orthopédie, notamment :

  • Tendinopathies de la coiffe des rotateurs : Dans les tendinopathies, l’inflammation chronique du tendon peut être soulagée par l’effet anti-inflammatoire de la cortisone, permettant une diminution de la douleur pendant la phase rééducative.

  • Bursites sous-acromiales : L’inflammation de la bourse sous-acromiale, souvent associée aux pathologies de la coiffe, peut être atténuée par une injection ciblée de cortisone.

  • Capsulite rétractile : Pour réduire l’inflammation dans l’articulation et faciliter la rééducation des amplitudes articulaires.

  • Conflits sous-acromiaux : Dans certains cas, les patients bénéficient d’une injection de cortisone pour réduire l'inflammation induite par le conflit sous-acromial, offrant ainsi un soulagement temporaire des symptômes.

  • Ténosynovite du long biceps

  • Arthropathie acromio-claviculaire

Ces indications sont fréquemment retrouvées dans la pratique clinique et constituent la base d’une prise en charge conservatrice initiale avant d’envisager une intervention chirurgicale si nécessaire.

2.2 Avantages dans le Traitement Conservateur

Le recours aux infiltrations présente plusieurs avantages :

  • Soulagement rapide de la douleur : La diminution de la douleur permet au patient d’entamer ou de poursuivre la rééducation sans être limité par la douleur.

  • Amélioration de la fonction : En abaissant le niveau d’inflammation, les infiltrations contribuent à une amélioration de la mobilité articulaire et à la restauration des fonctions de l’épaule.

  • Optimisation de la rééducation : Sans douleur, le patient peut réaliser les exercices de renforcement musculaire et d’étirement de manière plus efficace.

2.3 Intervalle et Répétition des Injections

Il est recommandé de ne pas multiplier les infiltrations de cortisone : généralement, on peut envisager plusieurs injections par an, à condition de respecter un intervalle d’au moins six semaines entre chaque injection. Cette prudence vise à éviter des effets secondaires potentiels.

3. Contre-indications et Précautions d’Usage

3.1 Contre-indications Générales

Avant de procéder à une injection de cortisone, il est impératif d’évaluer certains contre-indications ou précautions. Parmi celles-ci, on retrouve notamment :

  • Infection locale au site d’injection : Toute suspicion d’infection doit faire l’objet d’une prise en charge spécifique avant d’envisager une injection.

  • Antécédents de réactions allergiques sévères aux glucocorticoïdes ou à d’autres composants du médicament.

  • Grossesse : La prudence est de mise, bien que le risque systémique soit faible avec une administration locale.

  • Troubles de la coagulation : En cas de prise d’anticoagulants ou d’un trouble de la coagulation, le risque de saignement doit être pris en compte et l’intervention réalisée avec des précautions supplémentaires.

3.2 Risques d’Effets Secondaires

Bien que la réputation de la cortisone soit parfois entachée de controverses, lorsqu’elle est utilisée dans des conditions strictes et par des professionnels aguerris, elle est généralement sûre. Cependant, il convient de rappeler quelques effets secondaires potentiels :

  • Augmentation temporaire de la glycémie : L’effet métabolique de la cortisone peut entraîner une hausse transitoire de la glycémie, surtout chez les patients diabétiques. Cette élévation est souvent brève et doit être surveillée dans le cadre du suivi du diabète.

  • Déséquilibre temporaire du diabète : En lien avec l’augmentation de la glycémie, il peut survenir un déséquilibre dans la gestion du diabète. Un ajustement temporaire des traitements hypoglycémiants peut s’avérer nécessaire. Le diabète équilibré ne constitue cependant pas une contre-indication à une injection de cortisone.

  • Risques mécaniques et infectieux : Une injection répétée sans respecter les normes d’asepsie peut augmenter le risque d’infection locale. Il est donc essentiel de veiller à une procédure irréprochable sur le plan hygiénique.

3.3 Aspects Pratiques d’Asepsie

La réalisation de l’infiltration doit se faire dans des conditions strictes d’asepsie. Cela implique :

  • Une désinfection rigoureuse de la zone d’injection.

  • L’utilisation de matériel stérile.

  • Le respect des protocoles de prévention des infections nosocomiales.

Ces précautions permettent de réduire considérablement les risques infectieux et de garantir la sécurité du patient durant l’intervention.

4. Infiltrations et Rééducation : Un Partenariat Indissociable

Il est fondamental de souligner que les infiltrations de cortisone ne constituent pas une solution curative en elles-mêmes. Leur principal objectif est de diminuer la douleur et l’inflammation, offrant ainsi un « répit » qui permet d’initier et de poursuivre un programme de rééducation. Cette approche conservatrice a fait ses preuves dans la gestion de nombreuses pathologies de la coiffe, permettant d’éviter ou de retarder des interventions chirurgicales.

Les patients bénéficient ainsi d’une fenêtre thérapeutique pendant laquelle la douleur est suffisamment contrôlée pour exécuter des exercices de renforcement, d’étirement et de proprioception. Ces exercices sont essentiels pour restaurer la fonction articulaire et améliorer la qualité de vie.

5. Déconstruire certains Mythes

5.1 La Cortisone et la Réputation Exagérée

Il existe une certaine réticence chez certains patients vis-à-vis des infiltrations de cortisone, souvent en raison d'une mauvaise compréhension de leur mécanisme d'action ou d’expériences rapportées dans des contextes différents. Il est donc essentiel de préciser que, lorsqu’elle est utilisée avec soin et dans le bon contexte, la cortisone infiltrée représente une option thérapeutique sécuritaire et efficace.

Il ne faut pas confondre l’utilisation ponctuelle de la cortisone en orthopédie – visant à améliorer la fonction articulaire et la qualité de vie – avec d’autres usages, comme par exemple un traitement chronique par voie orale (comprimés). Le risque d’effets secondaires est souvent surestimé lorsqu’on ne considère pas le cadre d’utilisation et le strict respect des protocoles.

5.2 Pas de Risque de Prise de Poids ou d’Hypertension

Contrairement à certaines idées reçues, les infiltrations locales de cortisone, pratiquées dans un cadre contrôlé et avec des doses adaptées, n’entraînent pas de prise de poids ni d’hypertension artérielle. Ces effets sont surtout observés lors d’un traitement systémique prolongé. En injection locale, la diffusion systémique est limitée, ce qui rend ces risques négligeables si l’on respecte les recommandations de fréquence et de dosage.

6. Études et Recommandations Cliniques

6.1 Revue de la Littérature

Plusieurs études ont documenté les bénéfices de l’infiltration de cortisone dans le traitement des pathologies de la coiffe des rotateurs.

L’analyse de plusieurs cohortes a montré que les patients infiltrés bénéficient d’une amélioration clinique significative dès quelques semaines après l’injection, avec un effet bénéfique sur la capacité à effectuer des exercices de rééducation. Ces études insistent également sur la nécessité de respecter des intervalles suffisants entre les infiltrations pour éviter une survenue d’effets secondaires liés à une administration excessive de cortisone.

6.2 Recommandations Pratiques

À partir des données disponibles et des retours cliniques, plusieurs recommandations pratiques se dégagent :

  • Respecter un intervalle minimum de 6 semaines entre deux injections afin de préserver l’intégrité des tissus tendineux et d’éviter tout effet cumulatif néfaste.

  • Limiter le nombre total d’injections à quelques-unes par an (généralement 2 à 3) en fonction de l’évolution clinique et de la réponse individuelle au traitement.

  • Surveiller les patients diabétiques : Un suivi strict de la glycémie est requis après une injection pour détecter toute élévation transitoire et ajuster le traitement hypoglycémiant si nécessaire.

  • Assurer une procédure en conditions d’asepsie strictes afin de minimiser les risques infectieux.

Ces recommandations sont intégrées dans les protocoles de soins des centres spécialisés en chirurgie orthopédique, rhumatologie, médecine du sport et en rééducation fonctionnelle, garantissant ainsi une prise en charge globale et sécurisée pour chaque patient.

7. Intégration dans la Pratique Clinique

7.1 Le Parcours du Patient

Lorsqu’un patient se présente avec une pathologie de la coiffe des rotateurs, le parcours de soin repose sur une approche multidisciplinaire. Le processus intègre :

  1. Une évaluation clinique complète réalisée par un chirurgien orthopédiste spécialisé, qui inclut l’examen physique et, si nécessaire, des investigations radiologiques.

  2. La discussion des options thérapeutiques avec le patient, en expliquant que l’infiltration de cortisone est un outil permettant de réduire la douleur et de faciliter la rééducation.

  3. La mise en place d’un protocole de rééducation individualisé, avec l’appui d’un kinésithérapeute, visant à restaurer la mobilité, la force et la coordination de l’épaule.

Ce suivi personnalisé assure non seulement une amélioration rapide des symptômes, mais également un retour progressif aux activités quotidiennes, professionnelles et sportives.

7.2 L’Importance de la Communication

Une bonne communication entre le patient et l’équipe soignante est cruciale pour la réussite du traitement. Il est essentiel d’expliquer de manière claire et pédagogique que :

  • L’infiltration est une aide temporaire pour faciliter la rééducation.

  • Elle doit être réalisée dans le respect strict des règles d’hygiène.

  • Le patient doit être conscient des effets secondaires potentiels, notamment l’augmentation temporaire de la glycémie, et être prêt à adapter son traitement si nécessaire.

  • Le suivi régulier et la motivation pour les séances de rééducation sont essentiels pour atteindre un résultat satisfaisant citeCollin2019.

7.3 Rôle de l’Éducation Thérapeutique

Outre la communication lors de la consultation, l’éducation thérapeutique du patient joue un rôle fondamental. Des documents écrits et des séances d’explication permettent de lever les inquiétudes relatives à l’utilisation de la cortisone, souvent décrite dans les médias comme présentant des dangers importants. En réalité, une injection correctement réalisée et intégrée à un programme de rééducation sur-mesure offre un excellent rapport bénéfice/risque.

Conclusion

Les infiltrations de cortisone représentent un outil précieux dans le traitement des pathologies de la coiffe des rotateurs. Bien qu’elles n’agissent pas sur la cause étiologique de la lésion, elles offrent un soulagement efficace en réduisant l’inflammation et la douleur, ce qui facilite considérablement la rééducation. Les indications principales incluent les tendinopathies, les bursites et certains cas de capsulite rétractile. Il est cependant impératif de respecter les précautions relatives à l’asepsie, aux contre-indications, et de surveiller les effets secondaires éventuels, en particulier chez les patients diabétiques.

L’efficacité de ces injections repose avant tout sur une intégration judicieuse dans un programme de rééducation global, adapté aux besoins individuels de chaque patient. L’adhésion au traitement, couplée à une communication claire entre le patient et l’équipe soignante, constitue la clé d’un succès thérapeutique optimal. En outre, le respect d’un intervalle minimum de 6 semaines entre deux infiltrations et la limitation du nombre d’injections par an permettent d’assurer un bon équilibre entre efficacité et sécurité.

Les données issues de la littérature, ainsi que les retours d’expérience des spécialistes, confortent aujourd’hui l’utilisation des infiltrations de cortisone comme solution adjuvante, prouvant qu’en cas d’utilisation raisonnée et contrôlée, elles ne présentent pas de danger majeur, tout en facilitant le retour aux activités quotidiennes, professionnelles et sportives.

Pour finir, il est nécessaire d’insister sur le fait que chaque patient est unique et que la prise en charge doit être individualisée. L’approche thérapeutique doit toujours être discutée de manière approfondie entre le patient, le chirurgien orthopédiste et le kinésithérapeute. Cette synergie permet d’obtenir une meilleure qualité de vie, tout en minimisant les risques d’effets indésirables.

Questions Fréquemment Posées (FAQ)

1. Les infiltrations de cortisone soignent-elles la lésion de la coiffe ?

Non, les infiltrations ne guérissent pas la lésion en elle-même. Elles réduisent temporairement l’inflammation et la douleur, permettant ainsi au patient de mieux participer à la rééducation. Elles constituent une aide thérapeutique, et non une solution curative définitive.

2. Combien d’injections peut-on recevoir en une année ?

En général, il est recommandé de limiter les injections à 2 ou 3 par an, en respectant un intervalle d’au moins 6 semaines entre chaque intervention. Cela évite un surdosage de cortisone et préserve l’intégrité des tissus.

3. Quels sont les effets secondaires potentiels ?

Les principaux effets secondaires comprennent :

  • Une augmentation temporaire de la glycémie.

  • Un déséquilibre passager chez les patients diabétiques.

  • Un risque d’infection si les mesures d’asepsie ne sont pas strictement respectées.

Il est important de noter qu’aucun risque majeur de prise de poids ou d’hypertension n’a été constaté lorsque l’injection est réalisée dans des conditions optimales.

4. Dois-je arrêter mes activités quotidiennes après une injection ?

Non, l’objectif de l’infiltration est justement de permettre une reprise plus aisée des activités quotidiennes et des séances de rééducation. Une diminution des activités (sans arrêt complet) de 24 à 48 heures peut être nécessaire. Cependant, il est conseillé de suivre les recommandations de votre médecin et votre kinésithérapeute, qui adapteront votre activité en fonction de l’évolution de votre symptomatologie.

5. Pourquoi la cortisone a-t-elle mauvaise réputation ?

La réputation négative de la cortisone découle souvent d'une méconnaissance de son mode d’action et de certains usages dans d’autres contextes (traitements systémiques prolongés, par exemple). Dans le cadre des infiltrations locales bien contrôlées, son profil de sécurité est satisfaisant lorsqu’elle est utilisée à bon escient et avec parcimonie.