Rupture de la Coiffe des Rotateurs
L’auteur de l’article
Docteur Mikaël CHELLI
Chirurgien orthopédiste, avec une hyperspécialisation en chirurgie de l’épaule et du coude
La rupture de la coiffe des rotateurs est une lésion très fréquente de l’épaule, en particulier chez les personnes de plus de 50 ans. Il s'agit d’un motif courant de consultation en orthopédie, et pourtant, cette affection reste mal connue du grand public. Elle n’est pas forcément douloureuse, mais peut devenir handicapante si elle n’est pas prise en charge de manière adaptée.
Qu’est-ce que la coiffe des rotateurs ?
La coiffe des rotateurs est un groupe de quatre tendons qui relient les muscles de l’épaule à l’humérus. Ces tendons permettent d’effectuer les mouvements de rotation du bras et stabilisent l’articulation gléno-humérale. Elle comprend :
Le supra-épineux (le plus souvent touché),
L’infra-épineux,
Le subscapulaire,
Le petit rond.
Une pathologie très fréquente… souvent silencieuse
La rupture de la coiffe des rotateurs est extrêmement fréquente dans la population générale : environ 25% des plus de 60 ans présentent une lésion partielle ou complète, souvent sans symptôme comme cela a été montré dans des études échographiques chez des patients asymptomatiques.
Contrairement à ce que l’on pense, une rupture ne provoque pas systématiquement de douleur. Certaines personnes vivent avec une coiffe rompue sans le savoir.
Usure progressive… ou traumatisme
On distingue deux types principaux de ruptures :
1. Rupture dégénérative (la plus fréquente)
Il s’agit d’une usure progressive du tendon, liée à l’âge et/ou à des microtraumatismes répétés. Cette usure fragilise le tendon jusqu’à ce qu’il se rompe, parfois sur un effort banal, parfois sans effort particulier.
2. Rupture traumatique
Elle survient plus souvent chez une personne plus jeune ou active, suite à une chute, un mouvement violent ou une traction brutale sur le bras. Elle est souvent plus symptomatique et plus grave. Une consultation rapide est nécessaire. Une chirurgie de réparation est souvent conseillée.
Symptômes possibles
Douleur à l’épaule, surtout la nuit ou lors de certains gestes.
Faiblesse dans les mouvements d’élévation ou de rotation du bras.
Limitation fonctionnelle : difficulté à se coiffer, s’habiller, porter un objet.
Parfois aucun symptôme : c’est ce qu’on appelle une rupture asymptomatique.
Le diagnostic : un faisceau d’indices
Le diagnostic repose sur :
Un examen clinique ciblé (tests de Jobe, Patte, Lift-Off…),
Des examens d’imagerie :
Échographie (examen rapide, accessible),
IRM (examen de référence pour visualiser l’étendue de la rupture, la qualité musculaire et la rétraction tendineuse),
Parfois des radiographies pour évaluer une ascension de la tête humérale ou une arthrose associée.
Traitement : d’abord médical
La prise en charge initiale est presque toujours médicale (sauf exceptions, voir ci-dessous). La chirurgie n’est pas systématique.
Le traitement est dit médico-fonctionnel.
C’est le traitement de référence dans la majorité des cas, et il comprend :
Infiltrations de corticoïdes : pour réduire l’inflammation et la douleur.
Kinésithérapie adaptée : pour renforcer les muscles compensateurs (deltoïde, fixateurs scapulaires), maintenir la mobilité et diminuer la douleur.
Ce traitement permet une amélioration significative, même en cas de rupture complète, dans plus de 70% des cas.
Quand envisager une chirurgie ?
La chirurgie est proposée uniquement dans certains cas spécifiques :
Échec du traitement médical après plusieurs mois,
Rupture traumatique récente chez un patient actif,
Patient jeune avec forte demande fonctionnelle,
Rupture évolutive menaçant de devenir irréparable.
Il peut s’agir d’une réparation arthroscopique (suture des tendons) ou, en cas de rupture irréparable, d’une prothèse inversée (chez les patients plus âgés).
La surveillance : un élément clé
Les ruptures peuvent évoluer dans le temps. Une lésion partielle peut s’agrandir, un tendon rompu peut se rétracter ou les muscles peuvent s’infiltrer de graisse (infiltration graisseuse secondaire). Il est donc essentiel de respecter les recommandations de suivi de votre chirurgien :
Bilan clinique régulier,
Évaluation par imagerie si aggravation des symptômes,
Réadaptation fonctionnelle ciblée selon l’évolution.