Acromioplastie de l’épaule : indications, technique et résultats
L’acromioplastie est une intervention chirurgicale fréquemment associée à la réparation de la coiffe des rotateurs. Réalisée le plus souvent sous arthroscopie, cette procédure consiste à remodeler la face inférieure de l’acromion, une structure osseuse de l’omoplate, afin de diminuer le conflit sous-acromial entre cet os et les tendons de la coiffe. Bien que son indication isolée soit aujourd’hui très limitée, elle continue de faire débat et mérite une revue détaillée de ses indications, de sa technique et de son efficacité.
L’auteur de l’article
Docteur Mikaël CHELLI
Chirurgien orthopédiste, avec une hyperspécialisation en chirurgie de l’épaule et du coude
1. Pourquoi pratiquer une acromioplastie ?
Le conflit sous-acromial est une cause fréquente de douleurs d'épaule. Il survient lorsque les tendons de la coiffe des rotateurs, en particulier le supra-épineux, frottent contre la face inférieure de l’acromion lors des mouvements de l’épaule. Cette friction peut entraîner une inflammation chronique, une bursite, voire une rupture tendineuse à long terme.
L’objectif de l’acromioplastie est de réduire cette friction mécanique en « rabotant » l’acromion. Ce geste - réalisé au bloc opératoire - est très souvent associé à une réparation de la coiffe des rotateurs, et rarement réalisé seul . En effet, des études randomisées n’ont pas montré de bénéfice clair de l’acromioplastie isolée par rapport au traitement conservateur dans les douleurs subacromiales sans rupture de la coiffe .
2. Évaluation préopératoire : radiographie et morphologie acromiale
La décision de réaliser une acromioplastie repose en partie sur l’évaluation de la morphologie de l’acromion. Plusieurs paramètres radiologiques permettent de prédire un risque accru de conflit sous-acromial :
Classification de Bigliani (type I plat, type II courbe, type III crochu) : un acromion de type III est considéré comme « agressif » pour les tendons .
Angle critique de l’épaule (Critical Shoulder Angle, CSA) : un CSA élevé (> 35°) est corrélé à un risque accru de rupture de la coiffe des rotateurs .
Index de Nyffeler : il permet également d'évaluer la couverture acromiale latérale.
Présence d’un os acromial : il s’agit d’un défaut de fusion osseuse de l’acromion pendant la croissance, pouvant induire un conflit mécanique .
Classsification de Bigliani
3. Technique opératoire
a. Mise en place arthroscopique
L’acromioplastie est réalisée par voie arthroscopique. Le patient est positionné en décubitus latéral ou en « beach chair ». Après l’insufflation de liquide dans l’articulation gléno-humérale, une exploration complète est réalisée.
b. Bursectomie
Le premier temps opératoire est une bursectomie : la bourse sous-acromiale enflammée est retirée pour améliorer la visibilité et réduire la douleur postopératoire.
c. Libération du ligament acromiocoracoïdien
Le ligament acromiocoracoïdien, situé à la face antérieure de l’acromion, est souvent partiellement réséqué pour permettre un abord complet de la face inférieure de l’acromion.
d. Rabotage de l’acromion
L’os est fraisé à l’aide d’une fraise motorisée, en visant à aplanir les becs osseux et à élargir l’espace sous-acromial. Le geste peut être :
Antérieur uniquement, en cas de conflit antérieur pur.
Antérieur et latéral, si le CSA est augmenté, afin de diminuer la couverture latérale acromiale et réduire le conflit .
Fraisage arthroscopique d’un acromion de type 3
4. Quelles sont les indications aujourd’hui reconnues ?
L’indication principale de l’acromioplastie est la présence d’un conflit mécanique clairement identifié associé à une réparation de la coiffe des rotateurs. Elle peut améliorer les résultats de la réparation tendineuse en diminuant le risque de re-rupture ou de persistance de douleurs post-opératoires.
En revanche, en cas de rupture massive et non réparable de la coiffe, l’acromioplastie est déconseillée. Elle pourrait accentuer l’instabilité supérieure de la tête humérale, déjà non contrée par des tendons fonctionnels .
5. Complications et suites opératoires
Les complications spécifiques de l’acromioplastie sont rares. Elles comprennent :
Une douleur persistante si le conflit n’était pas réellement mécanique.
Une instabilité antérieure de l’épaule si le ligament acromiocoracoïdien est trop largement sectionné.
Une insuffisance de décompression si le rabotage est incomplet.
Selon une étude de Hall et al., le taux global de complications reste inférieur à 1% dans les grandes séries .
En post-opératoire, la rééducation est initiée rapidement. La reprise de la conduite est possible en 2 à 3 semaines. La reprise du travail dépend du type d’activité professionnelle : de 2 semaines à 3 mois selon l'effort requis. La reprise du sport est généralement envisagée après 2 à 3 mois.
6. Conclusion : une indication complémentaire, mais ciblée
L’acromioplastie est un outil utile lorsqu’elle est bien indiquée : elle ne doit pas être systématique, ni considérée comme un traitement magique des douleurs d’épaule. Son utilité est démontrée lorsqu’elle est combinée à une réparation de la coiffe dans un contexte de morphologie acromiale défavorable (type III, CSA augmenté), mais elle est peu utile, voire délétère, en cas de coiffe non réparable.
Références sélectionnées :
Neer CS. Anterior acromioplasty for the chronic impingement syndrome in the shoulder. J Bone Joint Surg Am. 1972. PubMed
MacDonald P et al. Arthroscopic rotator cuff repair with and without acromioplasty in the treatment of full-thickness rotator cuff tears: a multicenter, randomized controlled trial. JBJS Am. 2011. PubMed
Bigliani LU et al. Morphology of the acromion and its relation to rotator cuff tears. Orthop Trans 1986
Moor BK et al. Is there an association between the individual anatomy of the scapula and the development of rotator cuff tears or osteoarthritis of the glenohumeral joint?: A radiological study of the critical shoulder angle. PubMed
Viner et al. Os acromiale: Os acromiale: systematic review of surgical outcomes. PubMed
Yu TY et al. CSA and acromioplasty decision-making. PMC7762128
Chalmers and Romeo. Arthroscopic Subacromial Decompression and Acromioplasty. PMC6145625
Moosmayer S et al. Outcomes after acromioplasty in irreparable rotator cuff tears. PMC4559548
Docteur Chelli
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